A l'occasion de la sortie du film et en attendant ma critique, je me permet de vous remonter cette interview. J'espère que ceux qui l'ont loupé pourront ainsi en profiter. Et puis, encore une fois, merci au réalisateur pour son accessibilité. Répondre aux questions d'un simple "blogueur", c'est vraiment sympa.
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Aujourd'hui, i'm happy. Parce que j'ai découvert que le monde du
cinéma n'était pas fait que de gens superficiels et peu enclins à partager leur
passion même aux plus petits blogs des confins de l'Internet. Aujourd'hui et
suite à mon petit article sur la sortie du film La Nuit des Enfants Rois (The
Prodigies), le réalisateur Antoine Charreyron à eu la gentillesse de répondre
à mes questions et ceci malgré les quelques critiques que j'avais faites sur
un trailer somme toute efficace. Régalez-vous et n'hésitez pas à aller au cinéma
pour vous faire un avis sur The Prodigies, le 25 mai prochain !
LE RÉALISATEUR
1) Bonjour à vous et merci pour
cette interview! Tout d'abord, c'est un classique: pouvez-vous vous présenter en
quelques mots ?
Je m'appelle Antoine Charreyron,
j'ai grandi en banlieue parisienne du côté de Marne la Vallée.
J'ai toujours été fan de comics et
de jeux vidéo. Après avoir fait une école d'infographie (Supinfocom), je suis
sorti animateur de personnages 3D et je suis passé à la réalisation en 2002.
Passionné par la motion capture (technologie qui permet de capturer le jeu d'un
comédien humain et de l'intégrer dans un personnage virtuel) je me suis
spécialisé dans cette technique en enchainant les tournages pour le jeu vidéo
(Tomb Raider,50-Cent,Vin Diesel, Terminator 3...) et pour une série TV (Galactik
Football). Naturellement, j'ai décidé d'utiliser cette technique pour mon
premier long-métrage, «The Prodigies»
2) Après une rapide rechercher
sur Internet, on découvre sans mal que vous avez été le réalisateur de plusieurs
cinématiques de jeux vidéo. Ce passage au grand écran est-il une évolution
logique de votre métier, un souhait de toujours, ou simplement une volonté de
changer de "milieu artistique" ?
J'adore le jeu vidéo, et les gens
qui y travaillent, c'est une autre culture que celle du cinéma. C'est pour moi
une des meilleures écoles pour la mise en scène actuellement. Avant de commencer
le film j'avais déjà réalisé 11 heures de films en motion capture (cinématiques
de jeux, série TV,...), et chacune avec une histoire et des développements de
personnages différents.
L'envie de passer au grand écran
était sans aucun doute l'évolution normale de ma carrière et en même temps une
grande chance !
Pour «The Prodigies» l'idée était de
proposer à des artistes et techniciens issus du jeu vidéo comme Viktor
Antonov qui a imaginé l'univers visuel de Half life 2, ou venus du comics tels
Humberto Ramos et Francisco Herrera, petits prodiges de chez Marvel, de
travailler sur un long métrage d'animation pour adultes et ainsi amener un
savoir-faire original et unique pour la première fois dans un film français.
Que ce soit le speed painting, la
gestion des caméras virtuelles, il y a beaucoup d'éléments dans le jeu vidéo qui
méritent de trouver leur place sur grand écran.
3) Continuez-vous à travailler
pour des studios de jeux vidéo et si oui, lesquels ? Est-ce une bonne école pour
se constituer un joli CV de réalisateur et de quels travaux êtes-vous le plus
fier ?
Comme je travaille à 100% sur le
film, je ne peux plus travailler pour des studios de jeux mais je sais que
j'aimerai refaire des cinématiques après.
Comme je le disais, le jeu vidéo est
une très bonne école de narration, cela permet d'engranger des heures de jeux et
surtout grâce aux caméras virtuelles d'accéder à des moyens de mise en scène que
la prise de vue réelle ne permet pas aux jeunes réalisateurs.
Globalement, travailler en
animation, signifie passer des heures et des heures à bosser avec les équipes,
donc j'ai plus de la fierté pour les équipes avec qui je travaille depuis des
années (comme mon équipe de cadrage qui me suit depuis le début) qu'une fierté
du film fini.
Après en cinématique, j'aime
beaucoup des plans séquence dans «Killswitch» ou l'histoire de getting up et
«Shadow Ops».
4) Êtes-vous un joueur et si oui,
quels ont été vos jeux favoris de cette année passée?
Je joue énormément, car j'ai la
chance d'avoir une femme geek qui joue aussi J
Actuellement, le meilleur jeu auquel
j'ai joué cette année est «Mass Effect 2» qui est à mon goût un chef d'œuvre
d'immersion. C'est pour moi ce que le jeu vidéo peut apporter de mieux, un doux
mélange de démesure épique et d'émotions. 30 heures de jeux, c'est énorme !
Je rêverai de pouvoir travailler sur
un film qui devra respecter l'énergie du jeu.
Mass Effect 2 est pour moi le
parfait exemple de ce que le jeu vidéo est aujourd'hui: un art narratif majeur
qui peut nous embarquer jusqu'aux larmes.
Sinon Heavy Rain est un bon début de
ce que peut être le jeu vidéo cinématographique, mais j'avais préféré le
précédent Call of Duty.
5) Après une petite recherche, il
se trouve que vous êtes crédités comme Réalisateur de 2nd Équipe sur le Babylon
A. D. de Mathieu Kassovitz. Pouvez-vous nous parler de cette rencontre ?
Êtes-vous déçu du relatif échec du film et le comprenez-vous ?
Mathieu avait vu mes cinématiques de
jeux vidéo, il aimait le style et m'a demandé de lui faire des propositions de
mise en scène et de mouvements de caméras pour certaines séquences pour le
film.
Le film était ambitieux et Mathieu
est, je pense, un super réalisateur, donc je suis rentré dans le projet avec
lui.
Le film était un doux mélange
d'humain, d'artistique et de moyens et tous les éléments ne se sont pas
coordonnés de la meilleure façon pour nous.
Ayant vécu l'histoire de
l'intérieur, je suis déçu de l'échec du film, pour Mathieu qui s'est battu tous
les jours, et pour tous les artistes qui se sont défoncés pour fabriquer ce film
qui à l'origine avait des ambitions bien plus élevées que le résultat final.
1) « La Nuit des Enfants Rois »
est tiré du roman éponyme de Lanteric. Votre projet colle-t-il à 100% à l'œuvre
originale ? Sinon, quels sont les changements que vous avez apportés à celle-ci
et pour quelle(s) raison(s) ?
Le scénario de «The Prodigies» est
très librement inspiré de La Nuit des Enfants Rois. Dés le départ il était prévu
de faire une adaptation,car le livre se passant dans les années 80 et on avait
décidé tout d'abord de raconter l'histoire de nos jours, de l'ancrer dans la
réalité des adolescents d'aujourd'hui. De plus, la technologie des années 80
datait vraiment le film, on voulait que le spectateur se retrouve dans le New
York du 21e siècle. Une partie du livre n'était pas du tout cinématographique et
puis on a dû tenir compte de la violence de certains moments du récit (viol,
assassinat par les enfants,), car on voulait faire un film pour les ados qui ne
soit pas non plus trop radical.
Je suis personnellement un fan de
l'œuvre originale et dès le début du film nous nous sommes mis d'accord avec
Bernard Lantéric sur ceux qui nous semblait indispensable de conserver du livre.
Il y a eu plusieurs versions du scénario jusqu'à ce que Bernard Lanteric
approuve le script. Malheureusement, il nous a quitté et ne pourra pas voir le
film terminé sur grand écran, mais à chaque étape j'ai pensé à lui et à nos
discussions dans lesquelles il me faisait part de sa vision de ce que devait
être le film, je ne pense pas l'avoir trahi. Le film lui est évidemment
dédié.
2) Votre film, bien qu'ayant des
enfants pour personnages principaux, semble développer un univers plus mature.
Pensez-vous que le cinéma d'animation peut sortir des univers enfantins et
colorés pour raconter des histoires plus sombres et adultes?
Le jeu vidéo fait des jeux pour
ado/adultes depuis des années, je pense que le cinéma d'animation arrive à
maturité pour accepter de l'animation pour jeunes adultes. C'est évidemment le
cas dans la BD mais aussi dans le cinéma d'animation au Japon avec des films
d'animation uniquement destinés à un public adulte.
On m'a proposé plusieurs films
«cartoons» pour la famille, je les ai toujours refusés, car je voulais garder
l'univers mature dans lequel je travaillais dans mes cinématiques.
« The Prodigies » est arrivé, une
histoire forte avec des personnages attachants et l'opportunité de faire une
mise en scène différente qui colle à l'histoire. On est en train de finir le
film, mais on peut imaginer que « The Prodigies » pourrait avoir une
interdiction au moins de 12 ans, car certaines scènes sont particulièrement
viscérales.
3) Je me fais l'avocat du diable
: lorsque j'ai parlé du film sur mon blog et de l'apparition de la première
bande-annonce, j'ai clairement été "choqué" des nombreuses références visuelles
et sonores (Muse) à la promotion du film Watchmen de Zack Snyder. Est-ce une
totale coïncidence ?
Chacun voit ce qu'il veut. Warner
sortira le film avec les moyens d'un film international et ils ont su comprendre
l'essence même du film dés le premier visionnage de l'animatique. «The
Prodigies» se veut un film d'animation différent comme le furent Watchmen ou
300; Ce sont des films graphiques à la frontière du live et de l'animation.
L'utilisation de la motion capture
nous permet de franchir cette ligne entre le live et l'animation, donc il est
normal de faire la promotion dans le même sens.
Après, nous avons décidé d'avoir un
étalonnage «film d'action», avec de vrais noirs ou des couleurs dé saturées
typiques des jeux vidéo ou des longs métrages en prise de vues réelles, pour
s'éloigner au maximum de l'univers acidulé des dessins animés pour enfants.
4) Pourquoi avoir choisi le
cinéma plutôt que la télévision, comme le font avec succès vos confrères du
Petit Nicolas, de Skyland, de Wakfu et autres relativement bonnes séries animées
françaises ?
J'ai coréalisé une série pour la
télévision qui s'appelle «Galactik Football» avec Alphanim. C'était une
expérience formidable dans laquelle on a essayé durant les matchs d'apporter un
système original de caméras pour rendre le tout plus innovant.
Je retournerai à la série un jour,
car c'est un format de narration passionnant, où on laisse le temps aux
personnages de s'installer.
Après je n'ai pas choisi de quitter
la série, quand Mathieu Kassovitz m'a contacté pour travailler sur Babylon A.D
j'étais en préparation sur la saison 2 de Galactik football.
J'ai donc enchainé avec les longs
métrages, car j'aime relever de nouveaux défis, essayer d'apprendre et de
m'améliorer.
5) Pouvez-vous nous parler un peu
du casting ? Qui sont vos animateurs, les talents vocaux et les autres hommes et
femmes de l'ombre dont vous voudriez parler ? Enfin, il y aura t'il des voix
"connues" (dans le monde du doublage, pas des starlettes en mal de
popularité) ?
Pour chaque personnage de The
Prodigies, Jean Marc Panetier, notre directeur de plateau a réuni un groupe de
voix exceptionnelles ; à l'heure où j'écris ces lignes, nous sommes en plein
mixage voix, et elles fonctionnent vraiment bien.
Pour Jimbo, c'est Mathieu Kassovitz
qui lui prête sa voix. Je l'ai choisi, car il représente pour moi le «Jimbo»
idéal, à la fois grand « adulescent » charmant mais avec au fond de lui un peu
de « haine et de colère » qui pourrait resurgir à tout moment...
6) Question plus "vaste" :
êtes-vous sensible à la fuite des talents Français vers l'Amérique ? Pensez-vous
que leur présence suffirait à faire de la France un acteur majeur du cinéma
d'animation ?
J'ai eu la chance grâce à une
productrice qui s'appelle Sandrine Nguyen de pouvoir travailler des années entre
la France et les États-Unis. J'ai participé à de super projets comme Tombe
Raider ou Terminator 3, rencontré des artistes avec lesquels j'ai beaucoup
appris (Marc Ecko, 50-Cent ou Vin Diesel) mais j'ai jusqu'à présent refusé de
partir là bas.
La France est actuellement le seul
pays ou l'on pouvait monter «The Prodigies» sans concessions, à la manière d'un
film indépendant. Après il est évident qu'on a plus de moyens aux US mais je
pense que la fuite des talents est moins un problème que la capacité de
financement des projets.
Autour du projet «The Prodigies»
nous avons réuni des artistes du monde entier (les personnages du film ont par
exemple été imaginés par Humberto Ramos et Francisco Herrera qui dessinent
Spiderman pour Marvel), notre compositeur, Klaus Badelt est américain et est a
l'origine de scores aussi célèbres que celui de « Pirates des Caraïbes. Idem
pour les cascades c'est Alain Figlarz, le chorégraphe de Jason Bourne qui a
travaillé sur les cascades de Prodigies, donc la réponse à cette fuite vient des
producteurs et des investisseurs, pas des artistes.
7) Un plan marketing absolument
savoureux, à base d'indices parsemés sur un site officiel très bien conçu et sur
les réseaux sociaux les plus populaires, a été mis en place pour promouvoir le
film. C'est une idée du distributeur ou des créateurs ? Pouvez-vous nous
expliquer davantage ce qu'il y a à découvrir dans cette "aventure" virtuelle
?
Énormément de choses, mais tout cela
est encore secret. Comme je le disais précédemment, je suis un grand fan de
comics, de jeux vidéo et d'internet, on a donc très tôt dans le processus du
film voulu mélanger les médias pour que le film ait une vraie vie.
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Merci au réalisateur pour sa disponibilité. Merci à Zade pour deux questions interessantes (oui, il était au courant, quel privilégié !). Merci à tous ceux qui partageront cette interview sur leurs réseaux sociaux pour faire un peu parler de ce film qui le mérite.